This story appears in the May 31, 2016 issue of Forbes.

Dites « Panama » et le mot « papers » vient rapidement à l’esprit ces derniers temps. C’est bien dommage. J’ai récemment visité ce petit pays d’Amérique centrale et j’ai tout de suite remarqué ce que peu de monde sait : le Panama connaît un énorme succès économique et son taux de croissance annuel moyen est l’un des meilleurs du monde au 21ème siècle. Les choses ont récemment « ralenti » : la croissance était d’un peu moins de 6% l’année dernière mais on s’attend cette année à ce qu’elle soit supérieure à 6%. A la différence des chiffres qui nous viennent de Chine, ostensiblement revus à la hausse, ceux du Panama sont une réalité. Sa croissance est à des années-lumière de celle de la plupart des pays dans le monde.

Contrairement à ce que les gros titres annoncent, le Panama n’est pas un sombre endroit reculé qui pratique le blanchiment d’argent. C’est plutôt l’inverse. Panama City est en passe de devenir le centre financier d’Amérique latine et nombre d’institutions financières mondiales et latino-américaines y sont présentes. Le pays a fait des progrès considérables en matière de transparence. Le Groupe d’action financière internationale (GAFI) a retiré le Panama de sa liste grise cette année. En 2012, le pays a été retiré de la liste noire des paradis fiscaux de l’OCDE. Le Panama est en train de mettre en œuvre d’autres réformes, comme par exemple l’abolition des actions au porteur, et sera conforme aux normes de transparence de l’OCDE en 2018.

Les investisseurs estiment que les perspectives du Panama sont brillantes. Le gouvernement a récemment procédé à un emprunt de 1.2 milliards de dollars, qui a été rapidement souscrit. Le ratio dette/PIB du gouvernement est de 40% seulement ; aux Etats-Unis il est supérieur à 100%.

En matière de transport de marchandises, le Panama est devenu le carrefour des Amériques. Sa gestion du Canal est très bonne depuis qu’il a obtenu la souveraineté de ce dernier en 1999. Le nombre de containers à passer par ce Canal historique en 1993 était de 267.000. Aujourd’hui, nous en sommes à plus de 6 millions et, avec l’inauguration d’un deuxième d’écluses en juin qui permettra à des immenses navires de passer, ce chiffre devrait largement atteindre les 12 millions. L’infrastructure massive associée à cette augmentation du trafic a bien évidemment été une bénédiction pour le pays. Le gouvernement a judicieusement agi en ne considérant pas le Canal comme une tirelire politique de court terme comme l’ont fait la plupart des pays avec, par exemple, leurs entreprises pétrolières d’Etat. Des sommes considérables ont été investies dans le Canal. L’importance du volume des échanges qui en découle a fait que les recettes du gouvernement liées au Canal ont également augmenté.

Il y a presque dix ans, Panama a promulgué la Loi 41 facilitant l’installation des sièges régionaux de multinationales au moyen de fortes incitations. Plus de 100 multinationales, comme Procter & Gamble, s’y sont installées. Parmi les incitations, on peut mentionner le fait que les employés des entreprises ne payent pas d’impôts sur le revenu au Panama. Comme pour le Canal, la création de ces QG a généré une infrastructure de soutien, notamment des écoles.

L’aéroport en expansion du Panama est également devenu un hub régional crucial ; 68% des passagers qui y atterrissent sont en transit vers d’autres destinations.

A l’exception de New York et de Chicago, Panama City a plus de gratte-ciels que n’importe quelle autre ville de l’hémisphère occidental, et 16 des 25 plus grands bâtiments latino-américains se trouvent à Panama City. C’est extraordinaire lorsqu’on prend en compte des méga métropoles telles que Sao Paulo, Mexico City et Buenos Aires.

Le Panama a été attentif à la construction des infrastructures nécessaires pour que cette expansion soit viable. La construction d’un grand monorail est en cours, et un nouveau centre de conventions pour gérer ce « tourisme d’affaires » est quasiment achevé.

Une autre source de croissance très prometteuse est le tourisme médical. John Hopkins, par exemple, a de grandes installations sur place. Avec des soins médicaux moins accessibles dans beaucoup de pays occidentaux, en particulier en Europe, la demande de ce que le Panama a à offrir (d’excellents soins à un coût abordable) est presque illimitée.

Forbes a récemment publié un article de fond sur une extraordinaire nouvelle zone, Panama Pacifico, qui se dresse sur 1800 hectares qui faisaient auparavant partie d’une ancienne base de la US Air Force. Plusieurs milliards de dollars ont été investis en infrastructures pour accueillir de nombreuses compagnies et des milliers de résidents. En 2007, un syndicat composé d’un milliardaire colombien et d’une compagnie immobilière basée à Londres a obtenu le droit de développer le site au détriment d’une entreprise gérée par des puissantes familles locales. Les constructeurs triomphants amassent énormément d’argent, le gouvernement ne s’en mêle pas car il reconnait que le succès des constructeurs est une bénédiction pour l’économie panaméenne.

 

The new set of locks will open June 26. Autoridad del Canal de Panamá

The new set of locks will open June 26. Photo: Autoridad del Canal de Panamá

Des chefs d’entreprise m’ont dit que l’un des plus gros avantages du Panama est sa monnaie, le dollar américain, que le pays utilise depuis qu’il s’est séparé de la Colombie et que le Canal a été construit il y a plus de cent ans. Des devises locales instables ont été le fléau de l’Amérique latine. La récente dévaluation de 35% de la monnaie de la Colombie voisine a fait frémir le Panama et a rappelé à ses commerçants les avantages du dollar. Le dollar reste un Rocher de Gibraltar comparé aux devises du reste de la région.

Le Panama est ouvert à l’installation d’étrangers sur son territoire, du moment qu’ils sont disposés à travailler. Panama City est devenu de plus en plus cosmopolite, et de nombreuses nationalités y cohabitent.

L’investissement étranger direct est également bienvenu. Même si obtenir un permis peut demander de la patience (le Panama a aussi son lot d’écologistes), les entrepreneurs estiment que leur effort est récompensé et que les formalités sont bien moins laborieuses qu’aux Etats-Unis. Le capital n’est pas craint, il est au contraire le bienvenu.

Le système fiscal est également favorable. La TVA générale est de seulement 7% et il n’y a pas de droits de succession. Mais le gouvernement devrait aller plus loin et établir un système fiscal à taux uniforme comme celui de Hong Kong. Il doit également ralentir l’augmentation des dépenses gouvernementales qui s’est instaurée ces quatre dernières années.

Le Panama peut également faire plus d’efforts pour se promouvoir en tant que destination touristique.

Le Panama veut devenir le prochain Singapour, mais des réformes sont nécessaires pour que cela devienne une réalité. Le système scolaire a besoin d’être amélioré, et des efforts sont requis pour former la population à des métiers moins « inférieurs ».

La corruption est également un challenge. Le gouvernement précédent avait la réputation d’être corrompu. Pour la défense du Panama, beaucoup de ces anciens dirigeants ont été jugés et condamnés. Les Panaméens estiment qu’au fur et à mesure que la classe moyenne augmente, la tolérance envers les actes répréhensibles continuera à diminuer. Cela fait un quart de siècle que la démocratie est bien ancrée, depuis que le dictateur Manuel Noriega (un célèbre trafiquant de drogues) a été évincé lors d’une intervention militaire des Etats-Unis.

Heureusement, le Panama a suivi l’exemple du Costa Rica voisin et a dissout son armée dans les années 1990.

Certaines choses échappent au contrôle de ce petit pays, comme le ralentissement économique global et son effet néfaste sur le commerce ; le chaos grandissant des directives monétaires mondiales, ou les forces du protectionniste grandissant aux Etats-Unis et ailleurs. Mais le Panama a besoin d’y mettre du sien pour passer le message de son extraordinaire succès dans un monde qui en a connu trop peu ces derniers temps.

 

Traduit par Cécile Wattenhoffer

 

by Steve Forbes FORBES STAFF

“With all thy getting, get understanding. »

http://www.forbes.com/sites/steveforbes/2016/05/10/the-real-story-about-panama/#7f49f3c4757a